La réalisation de prestations professionnelles par un associé exerçant dans une SEL relève du régime fiscal des BNC (bénéfices non commerciaux)
Comme nous vous en avons informé, la rémunération technique des associés exerçant au sein d’une SEL de professions libérales, non soumis à un lien de subordination, relèvent à compter du 1er janvier 2024 avec effet rétroactif des BNC y compris les revenus des pharmaciens.
Les honoraires rétrocédés par une SEL aux associés d’une SPFPL (société holding des professions libérales) sont également imposés dans la catégorie des BNC.
📌 Cette règle s’applique-t-elle pour les professions libérales exerçant dans une société de droit commun ?
Pour rappel :
- Les sociétés de droit commun sont les SAS et les SARL;
- seuls les experts-comptables, commissaires aux comptes, les architectes, les géomètres experts peuvent toujours constituer des sociétés de droit commun;
- les avocats peuvent décider de rester en société de droit commun si la société a été créée avant le 1er septembre 2024.
À ce jour les textes fiscaux ne visent que les SEL et ils doivent être interprétés strictement, mais sans aucune certitude sur le maintien ou non de cette position.
À noter une exception : celle des professions de notaires, dans la mesure où il a été bien précisé que, peu importe la forme de la société, l’exercice d’une activité libérale en société relèvera à compter du 1er janvier 2024 d’une activité BNC.
📌 Quel sera le régime fiscal des prestations accessoires ou de l’expertise judiciaire ?
L’administration fiscale n’a rien indiqué : elles semblent devoir se rattacher aux BNC mais sans certitude.
📌 Qu’en est-il de la rémunération du mandat social des associés de SEL ?
L’administration fiscale autorise les associés à différencier leurs rémunérations entre le travail technique et le mandat social.
Étant précisé que l’administration a indiqué expressément que :
- toute la partie administrative, back office, logistique, encadrement des équipes, rédaction de documents techniques fait partie intégrante de l’activité libérale;
- ne relève donc du mandat social que les convocations, l’organisation des assemblées et la définition de la stratégie;
- elle acceptera par tolérance que 5% de la rémunération soit affectée au mandat social
Il faudra donc, si vous décidez de rémunérer le mandat social, de bien apporter la preuve du temps passé à l’exercice de ce mandat.
📌 La question qui se pose est de savoir s’il faut ou non rémunérer le mandat social ?
La loi ne vous oblige pas à rémunérer le mandat social :
- en SELAS si vous rémunérez les mandats, vous aurez à établir une fiche de paie pour ladite rémunération et vous cotiserez dans les caisses sociales des salariés en plus des cotisations sur votre revenu BNC.
- en SELARL, la rémunération des gérants majoritaires relève de l’article 62 du code général des impôts et donne droit à un abattement de 10%. Cette rémunération relèvera donc des mêmes cotisations que celles dues sur le revenu BNC
Les auteurs sont unanimes pour dire que si la rémunération du mandat est supérieure à 5% il y a un risque de requalification en l’absence d’élément factuels permettant de déterminer le temps passé à cette fonction de mandataire.
📌 Qui fixe la rémunération technique des associés exerçant en BNC ?
Il n’y a pas de consigne à ce sujet :
- ce qui a toujours été clair c’est que la rémunération du mandat social est déterminée par une assemblée générale;
- la rémunération des fonctions techniques peut quant à elle être déterminée par les statuts, un règlement intérieur ou par une assemblée.
Nous vous conseillons de déterminer le mode de rémunération aux termes d’une assemblée générale, ce qui allégera l’administratif de votre société et idéalement plutôt que de fixer une somme, de fixer une règle claire de détermination du montant qui pourra être mise en œuvre automatiquement tous les ans.
Exemple : fixer une enveloppe qui constituera la rémunération (un % du Chiffre d’affaires global de la société) et indiquer que celle-ci sera répartie en fonction du chiffre d’affaires réalisé par chacun des professionnels
Enfin, vous pouvez décider librement la majorité nécessaire pour fixer cette rémunération : l’unanimité, une majorité à ¾, 2/3 ou 51% des voix.
📌 Des dividendes soumis à cotisations sociales ?
Les professionnels exerçant sont des travailleurs indépendants donc les dividendes versés aux associés exerçant seront soumis à cotisations sociales, y compris dans les SELAS, pour la part des dividendes perçus par le travailleur indépendant, son conjoint, son pacsé et ses enfants mineurs qui est supérieure à 10% du capital social détenu en toutes propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes, des primes d’émission et des sommes inscrites dans leurs comptes courants.
La fraction de dividendes inférieure à ce seuil de 10 % est soumise aux prélèvements sociaux sur les produits de placement au taux de 17,2 %.
Les questions et incertitudes en l’absence de précisions de l’administration fiscale sur la remontée des dividendes dans la holding SPFPL
La Cour de cassation a rendu le 19 octobre 2023 une décision assujettissant aux cotisations retraite des chirurgiens-dentistes les dividendes versés par une SEL à une SPFPL, mais sans que ceux-ci ne soient ultimement distribués à la personne physique.
Cette décision est fondée sur deux arguments :
- Les bénéfices de la SEL constituent le produit de l’activité professionnelle du travailleur indépendant.
- Ce dernier étant le seul associé de la SEL et détenant la SPFPL avec son conjoint, ces dividendes correspondent à la rémunération d’un travail plutôt qu’à des revenus d’un patrimoine.
📌 Cette décision est préoccupante et fait couler beaucoup d’encre, que devons nous en déduire ?
- Il convient de se rémunérer de préférence dans la société où l’on exerce et éviter de remonter tous les bénéfices sous forme de dividendes à la SPFPL;
- réalisez une comparaison entre rémunération et dividendes, car compte tenu du plafonnement de nombreuses charges sociales, la rémunération pourrait s’avérer plus intéressante;
- évitez dans ces temps perturbés de faire une cession à soi-même, au travers d’une société holding dont vous seriez seul associé, des titres de votre société d’exploitation, car dans ce cas le remboursement d’emprunt contracté par la société holding ne sera financé que par une remontée des dividendes.
Qu’apporte l’ordonnance du 8 février 2023 applicable aux professions libérales à compter du 1er septembre 2024 ?
Rappel : seules les professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé peuvent constituer une SEL. Ces professions sont regroupées en 3 familles :
- la famille des professions de santé;
- la famille des professions juridiques ou judiciaires, comprenant limitativement les administrateurs et mandataires judiciaires, les avocats, les avocats au Conseil d’Etat et à la cour de cassation, les commissaires de justice, les greffiers des tribunaux de commerce et les notaires;
- la famille des « professions techniques et du cadre de vie », qui réunit les autres professions libérales réglementées (notamment experts-comptables, commissaires aux comptes, architectes, géomètres-experts).
L’ordonnance introduit la notion de « personnel exerçant », qui est défini comme « la personne physique ayant qualité pour exercer sa profession ou son ministère, enregistrée en France conformément aux textes qui réglementent la profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession ou de son ministère. La seule réalisation d’actes de gestion ne confère pas la qualité de professionnel exerçant ».
En matière de SEL, l’ordonnance apporte du changement dans la continuité :
📌 Des règles de détention du capital et de gouvernance clarifiées
- possibilité pour les personnes morales d’être associées au sein d’une SPFPL ;
- possibilité pour une SPFPL de détenir 100% du capital de la SEL sous réserve que la SPFPL soit elle-même détenue à 100% par des associés exerçant au sein de la SEL : cependant, nous vous conseillons de conserver une action au moins pour chaque associé exerçant compte tenu des règles de rémunération des fonctions techniques visées ci-dessus;
- une société peut être nommée présidente de la SELAS (avec toujours la limitation de la rémunération du mandat vu ci-dessus, mais attention la présidente ne peut pas être la SPFPL qui est une holding n’exerçant pas une activité libérale.
📌 L’élargissement du périmètre d’investissement des holdings libérales
Il est désormais clair qu’une SPFPL peut avoir des participations dans des sociétés de droit commun.
Elle peut détenir des biens immobiliers, sous réserve que ces biens soient exclusivement destinés à servir de locaux pour l’exercice de l’activité de la filiale SEL.
Enfin, la SPFPL qui a vendu sa participation dans la SEL n’avait plus d’objet et une incertitude importante existait sur un risque de dissolution instantanée et involontaire.
L’ordonnance indique que désormais la dissolution n’est plus automatique et renvoie aux décrets d’application pour fixer le délai de mise en conformité.
📌 L’introduction de certains garde-fous opérationnels améliorant la transparence du fonctionnement des structures SEL vis-à-vis des Ordres
Un droit annuel d’information des Ordres qui porte :
- sur un état de la composition du capital social et des droits de vote de la SEL (accompagné d’une version à jour des statuts);
- mais également sur les clauses de toute convention portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé. ». Cela vise notamment le règlement intérieur ou les pactes d’associés.
Les modalités pratiques seront fixées par décret.
Il s’agit donc des actes signés par les associés qui sont des conventions.
Le terme gouvernance vise les clauses de nomination, révocation des dirigeants, un droit de veto ou une convention de vote qui porterait sur l’organisation et les pouvoirs de direction.
A priori ne sont pas visées par cette obligation de communication les clauses portant sur :
- le transfert des droits sociaux (clause de retrait forcé, clause de sortie conjointe, droit de préférence)
- L’affectation du résultat
Dans ce cadre, il serait peut-être opportun de signer deux pactes, l’un portant sur la gouvernance et l’autre sur toutes les dispositions qui n’ont pas à être communiquées à l’Ordre.
📌 Un droit de retrait autorisé dans les SEL
Ce droit de retrait était d’ordre public dans une SCP. Désormais dans une SEL, les statuts peuvent prévoir les modalités du droit de retrait. Attention à bien en mesurer les effets et les conséquences et de bien en fixer la procédure dans les statuts.
📌 La fin de la limitation des comptes courants des SEL sauf pour les professionnels de santé
Pour rappel : un associé exerçant sa profession au sein de la SEL, ou ses ayants droit devenus associés, ne peut apporter en compte courant d’associé un montant supérieur à 3 fois sa participation au capital social. La limite est de 1 fois la participation au capital, pour les comptes ouverts par les autres associés.
📌 Des règles particulières pour les avocats
Les sociétés d’avocats de droit commun constituées avant le 1er septembre 2024 pourront conserver leur dénomination sociale de SARL, SA, SAS ou SCA, mais seront soumises aux mêmes dispositions que les SEL.
Les statuts devront donc être modifiés même en cas de conservation de la forme SARL ou SAS.
📌 Possibilité d’émettre des actions à droit de vote double sauf pour les professionnels de santé
À compter du 1er septembre 2024, les SELAS des familles des « professions juridiques ou judiciaires » et « professions techniques et du cadre de vie » pourront émettre des actions à droits de vote double :
- aux actionnaires exerçant en dehors de la SEL, sans qu’ils soient majoritaires;
- ou à une autre partie des actionnaires qui exercent au sein de la SEL, même s’ils détiennent la majorité du capital.
Pour les professions de santé, le droit de vote double ne peut être attribué qu’à des professionnels exerçant au sein de la société.
📌 Entrée en vigueur de l’ordonnance
L’ordonnance entre en vigueur le 1er septembre 2024.
Pour sa mise en œuvre, il faut attendre la parution des décrets d’application pour chaque profession libérale car beaucoup de règles notamment de vote ou de détention du capital ont été laissées à l’appréciation de chaque profession.
À ce jour, seuls les décrets relevant de la famille juridique sont parus, étant précisé que les professionnels déjà en activité auront jusqu’au 31 août 2025 pour se mettre en conformité avec ces règles et cela passera nécessairement par une révision des statuts.
Nos équipes sont à votre disposition
Le service juridique, de même que vos interlocuteurs habituels restent à votre disposition pour vous accompagner dans toutes ces réflexions.